La région du limbe scléro-cornéen est le siège d’élection de néoformations diverses.
C’est en effet un lieu de passage, qui offre des conditions anatomiques particulières.
C’est là que s’arrête, en lisère de la cornée, une vascularisation d’une extrême richesse, destinée à assurer à distance, par imbibition, la nutrition et la transparence de la cornée.
C’est un lieu de filtration et d’échange humoraux.
C’est là que l’épithélium conjonctival prend le caractère pavimenteux et devient épithélium de la cornée.
Le limbe est ainsi une région prédisposée, par son architecture, aux néo-formations.
Tumeurs d’origine congénitale
On parle beaucoup d’une tumeur de la conjonctive. Les tumeurs d’origine congénitale sont des tumeurs dites dysgénétiques, développées aux dépens de dépôts cellulaires laissés adhérents au limbe à la faveur d’une malformation.
Le dermoïde du limbe est le type de ces tumeurs congénitales. C’est une petite tumeur en pastille, en tache de bougie, parfois peu apparente, mais en général grosse comme une lentille, comme un pois.
Elle siège le plus souvent dans la partie inféro-externe du limbe, à cheval sur la conjonctive et sur la cornée, empiétant davantage sur la cornée.
Assez souvent, elle siège sur la cornée même, au voisinage du centre, solidement implantée, parfois pédiculée.
La coloration est pâle, blanchâtre ; le dermoïde ressemble à la peau. Lorsqu’il siège sur la conjonctive, la coloration est d’un jaune chamois, rosée, même rouge, et sa nature peut être difficile à reconnaître.
Sa consistance est ferme, parfois cartilagineuse ; le dermoïde peut être cependant mou, pâteux, couvert d’un enduit sébacé.
L’examen à la lampe à fente confirme ces caractères : on dirait un îlot de peau déposé sur la cornée ; on y reconnaît l’aspect chagriné de la peau, les cryptes glandulaires ; souvent des polis s’élèvent à sa surface.
La tumeur est indolore et ne s’accompagne d’aucun signe inflammatoire.
Comme pour confirmer son origine congénitale et servir au diagnostic, le dermoïde du limbe s’accompagne très souvent d’autres malformations :
Très souvent, il est associé à un colobome de la paupière supérieure.
Dans ce cas, le demoïde siège habituellement du côté interne. On dirait alors que ce qui manque de peau à la paupière supérieure est demeuré adhérent à la cornée.
On trouve, dans la littérature, les observations classiques de Nuel, de Manz, où le dermoïde, bilatéral et symétrique, qui couvre la cornée, est encore fixé à la paupière supérieure et bordé d’un double colobome. Souvent d’ailleurs et l’une ou l’autre des paupières.
Souvent, le dermoïde du limbe est associé à d’autres malformations du globe oculaire :
- colobome de l’iris
- colobome de la choroïde ; à d’autres malformations de la face : bec-de-chondromes branchiaux du pavillon de l’oreille ; à une encéphalocèle de l’angle supéro-interne de l’orbite
La nature congénitale du dermoïde est ainsi affirmée par ces malformations qui l’accompagnent.
Son existence
La tumeur existe à la naissance. Elle peut cependant passer inaperçue, représentée par une simple tache blanche de la cornée, par une tache rosée de la conjonctive. Peut-on considérer une tache de la conjonctive comme une affection de la conjonctive?
Il arrive qu’elle prenne, à l’époque de la puberté, une poussée subite ; elle s’étend alors sur la cornée, augmente de volume au point d’atteindre celui d’une olive ; elle devient alors gênante par son volume ; parfois les cils qui la couvrent entretiennent une irritation de la conjonctive ; mais elle demeure une tumeur bénigne.