Ulcère de Mooren

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C’est une forme très particulière, relativement rare, d’ulcère rongeant, qui survient sur un œil en  général atteint depuis longtemps d’une affection de la conjonctive.

Début de l’ulcère

L’ulcère débute toujours à la partie marginale de la cornée, par coalescence de plusieurs ulcères marginaux dont les bords apparaissent décollés au-devant d’un fond grisâtre.

L’ulcération progresse alors sous forme d’échancrures irrégulières, vers le centre de la cornée, érodant en profondeur, grignotant peu à peu la cornée, dans une marche inexorable

L’ulcère de la cornée ne s’arrête que lorsqu’il a détruit à peu près toute la surface de la cornée. Le centre de la cornée demeure transparent.

Fait caractéristique, un sillon profond se dessine entre le bord de l’îlot demeuré saint et la partie déjà nécrosée de la cornée. Il n’y a pas d’hypopyon.

Ulcère de Mooren
Ulcère de Mooren

L’infiltration

L’infiltration progresse en sapant les couches profondes de la cornée, sous l’épithélium et les couches superficielles, de sorte que l’épithélium surplombe, comme une falaise abrupte, anfractueuse, creusée de cavernes à sa base, la plaine déjà envahie de la cornée.

On voit par transparence, sous le bord de l’îlot, dans les échancrures les plus profondes, des nodules miliaires de couleur blanc jaunâtre, qui sont des nodules d’infiltration. Parfois ; un infiltrat circonscrit se voit dans la partie échancrée.

En même temps que le sillon d’infiltration mine la base de la falaise et érode l’îlot central, une véritable vague de vaisseaux, partie du limbe dans un voile conjonctival porte-vaisseaux, déferle sur la partie dépouillée de la cornée et s’avance vers l’îlot central ; elle s’engouffre dans les anfractuosités de la partie érodée par le sillon d’infiltration.

A ce moment, l’aspect de la cornée est tout à fait caractéristique : il évoque l’image d’un îlot escarpé battu à sa base par les flots qui l’érodent peu à peu.

Le voile conjonctival porte-vaisseaux, qui couvre la partie dépouillée de la cornée, affleure la surface de l’épithélium, séparée de lui par un fossé étroit et profond.

Il n’y a pour ainsi dire jamais d’hypopyon ; cependant, la présence éventuelle d’un hypopyon n’infirme en aucune façon le diagnostic d’ulcère de Mooren.

L’îlot central

L’îlot central peut demeurer transparent ; on voit alors la pupille bordée de synéchies qui traduisent la participation de l’iris au processus.

Mais souvent la cornée centrale est un peu trouble, œdémateuse. On y observe des plis, des déhiscences de la descemet et des précipités à la face profonde de la cornée. La sensibilité de la cornée restante est en général abolie ou très diminuée.

Le processus se poursuit, accompagné de signes inflammatoires, douleurs vives, larmoiement, photophobie, cercle périkératique intense, pendant des mois, de façon continue ou par poussées successives.

Il s’arrête de lui-même, après avoir détruit la plus grande partie de la surface de la cornée.

Dans les cas les plus caractéristiques, l’ulcère marginal initial qui occupait toute la périphérie attaque la cornée de tous les côtés à la fois.

Il y a des variantes : c’est ainsi que, dans le cas où l’ulcère initial n’occupe qu’une partie de la périphérie, il attaque un secteur ou une moitié seulement de la cornée.

La nature de l’affection

La nature de l’affection est inconnue. Ce n’est certainement pas un simple trouble trophique. C’est un état infectieux, dû sans doute à un micro-organisme non encore identifié, qu’il convient de rechercher dans les nodules d’infiltration.

C’est une sorte de kératite pustuliforme profonde s’ulcérant en surface.

Le diagnostic s’impose dans les cas typiques. Il peut être très difficile dans certains cas, jusqu’au jour où l’évolution progressive vers le centre apporte la signature de l’affection.

Le traitement de l’ulcus rodens passe pour être très décevant. Il est classique de dire que l’ulcère progressive de façon inexorable, quoi qu’on fasse, et en s’arrête spontanément qu’après avoir détruit la plus grande partie de la surface de la cornée.

En réalité, on l’a montré en 1941, l’ulcère de Mooren guérit très bien sous l’influence d’un traitement chirurgical bien conduit. Il guérit parfois en peu de jours ; il arrive qu’il ne guérisse qu’après plusieurs tentatives infructueuses.

Comme l’infection a parfois une origine lacrymale, il convient tout d’abord de traiter les voies lacrymales, le plus souvent en extirpant le sac avec les canalicules lacrymaux.

Canalicules lacrymaux
Canalicules lacrymaux

Le traitement local consiste essentiellement :

A cliver tout d’abord la surface nécrosée, en allant de l’îlot à la périphérie, tout le voile vasculaire qui la recouvre.

Il est facile de le cliver en décollant avec un instrument tel que le couteau de Lagrange et de le récliner jusqu’au limbe, où ses attaches sont sectionnées par une péritomie au galvanocautère.

Ceci fait, à curetter, à l’aide d’une fine curette à  granulations trachomateuses, le sillon d’infiltration , sous les lèvres épithéliales de l’îlot central, en ayant soin d’aller cueillir dans les anfractuosités les petites nodules jaunâtres d’infiltration.

On curette de même légèrement toute la surface nécrosée de la cornée que l’on vient de mettre à nu. Il arrive alors que seule la membrane de Descemet, couverte encore de quelques lames profondes, maintienne la continuité de la cornée.

Un attouchement, à la teinture d’iode, du sillon d’infiltration et de la face cruentée, achève la mise au net.

Une goutte d’atropine est instillée.

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