C’est une des affections les plus fréquentes de la cornée. Elle est particulièrement grave et peut conduire à la perte de l’œil si elle n’est pas, dès le début, convenablement traitée.
Bien connu depuis la description de Saemisch, en 1870, l’ulcère à hypopyon est caractérisé par son infiltration progressive dans les lames de la cornée et par la présence de pus dans la chambre antérieure.
Étiologie
Il s’installe à l’occasion d’une érosion de la cornée, accidentelle ou professionnelle.
Certaines professions y exposent particulièrement. La fréquence de l’ulcère à la suite de l’érosion de la cornée par un épi, à l’époque des moissons, lui a fait donner le nom d’ulcère des moissonneurs.
L’agent le plus habituel, dans les formes graves, est le pneumocoque. Le pneumocoque peut exister à l’état normal dans le sac conjonctival, mais sa virulence est exaltée par l’infection à pneumocoques du sa lacrymal.
C’est pourquoi l’ulcère de la cornée est encore appelé ulcère à pneumocoques ou ulcère lacrymal.
La bacille pyocyanique, le diplobacille peuvent également se rencontrer comme agent exclusif d’un ulcère, mais le plus souvent il y a infection associée.
L’ulcère est particulièrement fréquent chez le vieillard dont la cornée, du fait que sa sensibilité et sa résistance sont diminuées, est moins bien protégée, plus fragile. Il ne s’observe guère chez l’enfant.
Symptômes
Dans les jours qui suivent une érosion souvent minime de la cornée, l’ulcère s’annonce par une vive douleur, une impression de corps étranger.
Très vite, en 24 h, l’œil devient rouge et la vision se trouble. Le larmoiement, la photophobie sont intenses.
Un léger malaise, des frissons, une fièvre modérée accompagnent ces premiers signes. Les paupières sont rosées, œdémateuses ; la cornée est cernée d’un cercle périkératique intense.
L’ulcère siège le plus souvent au voisinage du centre de la cornée. Dans les cas où on peut le surprendre à son extrême début, il se présente sous l’image d’un infiltrat.
On le voit à la lampe à fente, en regard de l’érosion colorée par la fluorescéine, sous forme d’un disque blanc lumineux, entouré d’un trouble plus diffus du parenchyme.
En arrière de lui, apparaissent des plis de la descemet et un trouble poussiéreux de l’endothélium. Mais, très vite, la masse nécrosée crève à l’extérieur : l’ulcère est constitué.
C’est alors une surface dépolie, grisâtre, cernée de bords irréguliers, saillants et grisâtres, infiltrés. L’ulcère se colore intensément à la fluorescéine, au bleu de méthylène, au mercurochrome.
Autour de lui, la cornée est simplement opalescente, encore transparente. Un peu de pus est déposé sous forme d’hypopyon dans le bas-fond de la chambre antérieure en lunule d’ongle.
Les signes vont s’aggraver rapidement, de jour en jour. L’ulcération s’étend. Sur ses bords, sous l’épithélium respecté, se déssine un liséré blanc jaunâtre ; c’est le croissant d’infiltration. Il correspond à la zone d’infiltration où se trouve le pneumocoque.
C’est à partir de là que va se faire la progression de l’ulcère. L’ulcère a, en effet tendance à progresser dans les lames de la cornée en minant de proche en proche, d’où son nom d’ulcère serpigineux.
On voit le croissant d’infiltration s’avancer en plusieurs directions. L’ulcère peut ainsi envahir la cornée dans toute son étendue ; il progresse également en profondeur.
Dans le même temps, l’hypopyon augmente ; il n’est plus limité par une ligne de niveau mais par un bord convexe et il gagne vers le haut jusqu’à voiler le bord pupillaire, revêtant un aspect bourbillonneux, une teinte jaune verdâtre.
Parfois, un abcès postérieur se montre dans les couches profondes de la cornée, en regard de l’ulcère ; d’abord formée en avant de la membrane de Descemet, il peut s’ouvrir dans la chambre antérieure.
Cependant, les troubles fonctionnels s’aggravent : la douleur devient très vive ; l’œdème des paupières augmente ; le cercle périkératique est intense.
La cornée se trouble au pourtour de l’ulcère et des plis de la descemet se dessinent, visibles à la lampe à fente. L’iris est œdémateux, sillonné de vaisseaux et la pupille se dilate mal à l’atropine.