Le kérato-conjonctivite phlycténulaire s’observe chez des enfants d’apparence lymphatique, chez des adénoïdiens porteurs de grosses amygdales fongueuses, présentant de volumineux ganglions cervicaux.
Étiologie et pathogénie
Ce sont souvent des enfants :
- d’aspect misérable
- malpropres
- porteurs de lésions impétigineuses au voisinage des orifices narinaires et du conduits auditif externe
Elle survient secondairement à une fièvre éruptive de l’enfance. C’est pourquoi on a successivement considéré la kérato-conjonctivite phlycténulaire comme une manifestation :
- de la scrofulose
- comme signe d’une affection rhino-pharyngée
- comme relevant d’une infection cutanée
Il est bien probable, en effet, que, dans bien des cas, surtout lorsqu’il s’agit de récidive, une infection rhino-pharyngée intervient à titre d’infection associée.
Cependant, les travaux de ces dernières années, confirmant d’ailleurs une opinion déjà souvent exprimée mais contestée, obligent à considérer la kérato-conjonctivite phlycténulaire comme le signe d’une imprégnation tuberculeuse récente de l’organisme.
La phlyctène elle-même n’est pas de nature tuberculeuse, en ce sens qu’on n’est jamais parvenu à y déceler la présence du bacille de Koch et que l’on a cherché en vain, par transport dans la chambre antérieure du lapin, à provoquer une lésion tuberculeuse de l’iris.
Elle serait donc la manifestation d’un réaction allergique à l’action du virus tuberculeux. Elle est parmi les premières manifestations qui succèdent à l’installation d’une primo-infection tuberculeuse.
Cette notion capitale est confirmée par les signes de la radiographie pulmonaire, par le caractère positif de la cuti-réaction, souvent phlycténulaire, enfin par la mise en évidence du bacille de Koch dans le liquide gastrique prélevé à jeun par tubage.
Les récidives, qui peuvent se succéder pendant des années, appartiennent à la période d’essaimage du bacille de Koch.
Elles seraient dues à des décharges de toxines, en relation avec la persistance d’un foyer ganglionnaire ou ganglio-pulmonaire latent, qu’il convient de rechercher.
Diagnostic
Le diagnostic de la kérato-conjonctivite phlycténulaire est en général évident. Il peut cependant présenter des difficultés.
Une épisclérite peut simuler une phlyctène de la conjonctive. Mais l’épisclérite appartient en général à un âge plus avancé. Elle adhère aux plans profonds, tandis que la phlyctène conjonctivale est mobilisable facilement lorsqu’on la refoule en la poussant avec le bord de la paupière.
L’épisclérite apparaît à la lampe à fente entourée d’une vascularisation plus profonde et lus diffuse ; enfin, l’épisclérite est douloureuse à la pression, tandis que la phlyctène conjonctivale est indolore.
Les manifestations conjonctivales de l’acné rosacée, en particulier l’infiltration limbique et l’ulcération marginale de la cornée, peuvent simuler, à s’y méprendre, la phlyctène.
Mais l’examen à la lampe à fente révèle une vascularisation plus grossière, faite de bourgeons vasculaires répartis au limbe de façon caractéristique.
D’autre part, l’infiltrat de la rosacée est d’un blanc opaque. L’acné rosacée est une affection de l’âge adulte et les manifestations cutanées sont caractéristiques.
De même, l’érythème polymorphe, rare, peut donner lieu à des lésions du limbe analogues à la phlyctène ; mais il se manifeste par ailleurs par des lésion cutanées qui assurent le diagnostic.
Les lésions juxta-limbiques du catarrhe printanier, parfois désignées sous le nom de « phlyctènes pâles », siègent aux extrémités du méridien transversal ; elles sont d’apparence lardacée et sont presque toujours associées aux lésions caractéristiques de la conjonctives tarsale.
Enfin, certaines conjonctives infectieuses (conjonctivite à bacille de Weeks, conjonctivite à diplobacille) et un grand nombre d’affections conjonctivales observées dans les régions tropicales s’accompagnent de « pseudo-phlyctènes », qui n’ont rien à voir avec la conjonctivite phlycténulaire.
Traitement
La notion que la conjonctivite phlycténulaire est la manifestation d’une primo-infection tuberculeuse ganglio-pulmonaire, le plus souvent bénigne, domine tout le traitement. La kérato-conjonctivite phlycténulaire est souvent le signe révélateur d’une imprégnation tuberculeuse récente de l’organisme.
On ne doit plus, à l’heure actuelle, en présence d’un enfant atteint de kérato-conjonctivite phlycténulaire, se contenter de tendre à la mère, comme nous l’avons vu faire tant de fois, une ordonnance, imprimée à l’avance, formulant :
- un collyre au bleu de méthylène
- la pommade à l’oxyde jaune
La constatation d’une kérato-conjonctivite phlycténulaire commande formellement de rechercher les autres signes de la primo-infection tuberculeuse parla radiographie pulmonaire, par la cuti-réaction. Elle commande de mettre en jeu l’enquête sociale destinée à dépiter dans une famille, à l’école, l’origine de la contagion.
Elle impose, comme première mesure thérapeutique, une cure d’air prolongée.
En cas de récidive, la recherche d’un foyer ganglionnaire latent, au besoin par des tomographies, s’impose, suivie de radiothérapie sur les ganglions cervicaux ou médiastinaux.
Le traitement local n’est pas très utile. La conjonctivite phlycténulaire, abandonnée à elle-même, guérit spontanément en peu de jours. On peut, si le trouble subjectif est minime, ne rien faire localement et se contenter de maintenir l’enfant dans une chambre obscure pour soulager la photophobie.
Par contre, lorsque la phlyctène siège sur la cornée, elle peut être le stade initial d’une tuberculose de la cornée, dont l’évolution se poursuivra pendant des années.